RENDONS HOMMAGE AUX HEROS OUBLIES
Interview de Nikolay Sologubovskiy le 8 mai 1945
RENDONS HOMMAGE AUX HEROS INCONNUS
Les célébrations de la libération de l`Europe du joug de l`Allemagne fasciste, la commémoration de la fin de la Seconde Guerre Mondiale portent - en Europe - sur le débarquement en Normandie des Alliés, la libération des camps de la mort, la fin du nazisme....
Mais, hélas, on parle trop peu de la libération de l`Europe par l`Armée soviétique. On sabote même l`Histoire en disant que ce sont les Alliés qui ont écrasé le fascisme hitlérien. On n`a même pas répondu à l`invitation de la Russie pour participer aux festivités organisées à Moscou, les festivités du 70ème anniversaire de la Grand Victoire.
Pourquoi?
Les politiciens proaméricains ne veulent pas parler des millions de victimes parmi les citoyens de l`Union Soviétique et rendre hommage à ses soldats.
En Europe, les néonazis profanent même les monuments érigés en reconnaissance de leur exploits et sacrifices.
Ils sont devenus des héros oubliés.
Mais aujourd`hui je voudrais parler des autres oubliés, des Africains et des Arabes.
On a oublié des combattants – tirailleurs qui sont tombés par dizaines de milliers pour barrer la route à la machine de guerre fasciste , tombés pour chasser les troupes germano- italiennes du continent africain, tombés pour libérer, avec l`Armée Soviétique, l`Europe..
Ils étaient des soldats et officiers dans les armées des Alliés , notamment , dans l’Аrmée française d’Afrique dont je veux parler.
Les combats acharnés se sont déroulés en Afrique orientale, ensuite en Egypte, en Libye, en Tunisie.
les combattants arabes et africains ont participé à des opérations militaires sur le sol de l’Italie, de la Corse et de la France.
Avec leur courage et leurs sacrifices on a libéré un quart du territoire de l'Allemand.
Ce sont eux qui redonnèrent à la France sa place de grande puissance victorieuse pendant la Deuxième Guerre mondiale. Musulmans, chrétiens, juifs, agnostiques et autres furent portés par un même idéal patriotique et humaniste. Ils luttaient contre un système totalitaire, raciste et antisémite, la barbarie brune des nazis.
Certes, cette armée française d’Afrique était celle du colonialisme, système contestable et odieux.
Le pavillon tricolore flottait à l`époque sur tous les continents et toutes les mers du globe. La totalité de la population en Afrique représentait environ cent quatre-vingts millions de personnes en 1939, dont la moitié est rattachée à des possessions coloniales françaises.
En général la population occidentale restait très minoritaire au sein des colonies françaises d’Afrique, un million quatre cent mille pour l’ensemble.
Pourquoi je cite tout ça?
Pour vous rappeler que nous commémorons ces jours-ci le 70ème anniversaire de la Grande guerre Mondiale !
Mondiale !
Pour vous rappeler d`où le courageux général de Gaulle a reçu les échos de soutien quand il a lancé son appel antifasciste :
«Les Français ! Résistez ! Aux armes !»
Et les patriotes sont partis pour combattre les nazis qui ont menacé le monde entier.
Dommage qu`on ne connait pas bien l’épopée glorieuse de l’armée française d’Afrique de 1940 à 1945.
Pendant cinq ans, dans la chaleur suffocante du Sahara, dans l’hiver glacial de l’Europe, des Français de métropole et des colonies, des Arabes , des Africains ont combattu ensemble contre le même ennemi.
Le petit groupe armé qui faisait le coup de feu contre les Italiens en Érythrée au lendemain de l’Armistice honnie de 1940 est devenu en 1942 une brigade aguerrie et ensuite une armée redoutable.
Les combattants de la France libre ont repoussé de l'Afrique le fameux général Rommel qui a servi Hitler. Ce général fasciste a été battu à Bir Hakeim en Libye, à El Alameyn en Egypte, à la ligne Marett et à Kasserine en Tunisie .
Ils ont débarqué en Italie et en Provence en 1944.
Le sud de la France est libéré, le Rhin traversé et un quart du territoire de l`Allemagne.
Grâce à qui ?
A eux aussi !
Je le rappelle : c'était des patriotes arabes et africains portés par un même idéal humaniste.
Le bilan est éloquent : pour la perte de soixante mille soldats tués, l’armée française d’Afrique peut revendiquer la mise hors de combat de six cent mille soldats germano-italiens, tués ou faits prisonniers.
Rendre hommage au sacrifice de ces hommes, n’est-ce pas leur rendre également leur dignité ? Ces tirailleurs d’Afrique, les combattants antifascistes ont pensé, en espérant des jours meilleurs après la guerre : la reconnaissance de leurs droits légitimes.
Hélas, la France ne sera pas reconnaissante du sacrifice consenti, loin de là. Beaucoup vont subir après la capitulation allemande l’indifférence et le mépris des autorités coloniales en place.
Pire ! On a eu des fusillades !
J`étais en tant que journaliste soviétique en Guinée `a l`époque de Sekou Toure. On m`a raconté en détails la tragédie du camps de Thiaroy. On ne peut pas l`oublier.
Je voudrais citer Dominique Lormier, historien français, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale:
« La Deuxième guerre finie, les soldats d’Afrique redeviennent de nouveau …des «nègres», des individus de seconde zone, alors qu’au même moment, en France, des collaborateurs engagés dans la déportation des français par les hitlériens, traversent sans encombre l’épuration et gravissent les échelons les plus insignes, devenant des notables respectés de la France...
Quelle honte ! Il est temps de réparer cette injustice, en rappelant ce que fut le combat héroïque de ces oubliés de la libération, ceux qui disaient avec honneur: « C’est nous, les Africains ! ».
J`ajoute:
« C’est nous, les Arabes! ».
Ils étaient obligés de continuer la guerre, leur guerre de libération nationale contre les colonisateurs!
Et seulement l`année 1961, les peuples d`Afrique, grâce au soutien de l`Union Soviétique, ont proclamé l`Année d`Afrique ! C`était le début d`une nouvelle ère!
Je tiens une lettre de Habib Bourguiba, leader du mouvement de libération nationale en Tunisie. Il a écrit cette lettre dans une prison française, dans un moment crucial. Le 8 aout 1942. Les fascistes se sont approchés de la grand rivière russe Volga. Ils étaient près de Moscou. Bourguiba a écrit sa lettre avant la grande bataille décisive de la Deuxième guerre mondiale, la
bataille de Stalingrad quand l`Armée soviétique a anéanti un million d'agresseurs fascistes.
Dans sa lettre il est contre «la croyance naïve que la défaite de la France est un châtiment de Dieu, que sa domination est finie» et que l`indépendance «viendra d'une victoire de l'axe» fasciste.
Je le cite encore :
«La vérité qui crève les yeux, c'est que l'Allemagne ne gagnera pas la guerre ; qu'elle ne peut plus la gagner, que le temps travaille contre elle et qu'elle sera mathématiquement écrasée.
Entre le colosse russe qui n'a pas été liquidé l'année dernière - qui reprend déjà l'offensive — et le colosse américain ou anglo-saxon qui tient les mers et dont les possibilités industrielles sont infinies, l'Allemagne sera broyée comme dans les mâchoires d'un étau irrésistible.
Ce n'est donc plus qu'une question de temps».
Aussi dans la lettre de Habib Bourguiba, je le cite:
«Mais n'importe, notre soutien aux Alliés doit être inconditionnel. Car l'essentiel pour nous, c'est qu'à la fin de la guerre - qui maintenant ne saurait tarder beaucoup — nous nous trouvions dans le camp des vainqueurs, ayant contribué, si peu que ce soit, à la victoire commune».
Pourquoi je vous raconte tout ça ?
Parce qu`aujourd`hui nous pouvons donner la riposte face aux nouveaux agresseurs : des néofascistes, des extrémistes , des salafistes, derrière lesquels se cache le même ennemi, l`impérialisme qui veut s`accaparer des richesses de l`Afrique et du monde arabe.
Le 8 et 9 mai je vous prie de rappeler les héros inconnus et oubliés de la Deuxième Guerre Mondiale. Leurs cimetières sont partout !
De la Syrie et de la Palestine jusqu`au Maroc ! Parmi les plus grands - près de El-Alameyn en Egypte et à Gammart en Tunisie.
Je viens de rentrer de la Tunisie. Les photos des tombeaux de Gammart sont devant moi...
Sambo Mamia mort 6/03/1945
Cournablo… mort 17.11.1945
Bumba
Camara
Diara
Vonogolo Kabore
Auganga
Dago Loua
Bou Arada
Il y a des tombeaux….. où on a écrit
«Inconnu Mansour n 22»
«Inconnu Mansour n 49»
«Inconnu Mansour n 93»
«Inconnu Zaghouan n 5 mort pour la France 1939 – 1945»
«Inconnu Zaghouan n 7 mort pour la France 1939 – 1945»
«Inconnu Zaghouan n 8 mort pour la France 1939 – 1945»
Inconnu Oudna n 11 mort pour la France 1939 – 1945
Inconnu Oudna n 18 mort pour la France 1939 – 1945
Il y a un tombeau:
«Inconnu Mansour n 70 et n 71 mort pour la France 1939 – 1945»
Il y a un autre tombeau:
«Inconnus n 30-31-32-33-34-35 mort pour la France 1939 – 1945»
Et à coté - les tombeaux avec les noms russes….
Popov Serge mort le 12 janvier 1943
Binkovski Stanislav….. 19 janvier 1943
C'était le temps de durs combats en Tunisie.
D`autres sont morts juste avant la capitulation des fascistes en Tunisie.
Pazin Milan 4 mai 1943
Slusarczyk Josef 4 mai 1943
Nankov Nicolas 9 mai 1943
D`autres tombeaux:.
Popovitch Robert 1941
Ogarovich Theodore……1941
Jakowesuk Nicolas 1943
Popov Serge 12 janvier 1943
Pountchine Georges 4 mai 1043
Kratchenkoff Joseph 1943
Golinski Stanislav
Palovski Jean 1943
Bodin Victor 1943
Slussarev Alexandre 1944
Bardin Pierre 23 juin 1944
Fedorov Cyrille 1 juin 1946
Fijalkovski Robert mort pour la France 1939 – 1945
Inconnu Onesky mort pour la France 1939 – 1945
Dans l`église russe à Tunis il y a une plaque en marbre noir avec les noms russes:
Fedorov
Kharlamov
Sharov
Alexandrov
Grunenkov
Yurgens
……Je vais raconter leur destin pour la prochaine fois……
On écrit sur leurs tombeaux : «Mort pour la France !»
Je lis: «Ils sont morts pour nous !»
Dans chaque pays en Europe vous trouverez les monuments au Soldat Inconnu. Il est mort pour que nous vivions en paix et en concorde.
Le 9 mai, nous, les enfants et petits-enfants des Soldats et Officiers Soviétiques, qui ont libéré l`Europe du nazisme, rendons hommage à nos Alliés : les Arabes, les Africains, les Européens, les Américains, les Asiatiques....
Parce que même aujourd`hui nous sommes encore dans le même combat pour la Liberté et la Dignité de l`homme !
Et seulement ensemble, toujours ensemble nous pouvons vaincre notre ennemi. Aujourd`hui ce sont des terroristes avec les drapeaux noirs, la peste noire des fanatiques qui nous menacent dans chaque foyer...
Et pour terminer je reprends les paroles de Habib Bourguiba en les actualisant :
Le terrorisme internationale sera broyé, sera écrasé. «Ce n'est donc plus qu'une question de temps».
Si nous serons unis comme pendant la Deuxième guerre mondiale.
Et comme il y a 70 ans, chacun de nous, comme des tirailleurs africains, comme des combattants arabes, comme des soldats soviétiques, comme des soldats français, anglais, américains, doit contribuer, «si peu que ce soit», à «la victoire commune» des forces du progrès et de la démocratie sur le terrorisme noir.
Nikolay Sologubovskiy
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