Тунис хоронит жертв террористов

 

 

Тунис хоронит жертв террористов

 

Мы публикуем материалы из тунисской газеты ЛЯ ПРЕСС, но мер за 18 февраля 2014 года.

Надеемся, что те, кто интересуется событиями в Тунисе, найдет для себя полезную информацию.

Главное – тунисцы осознают опасность исламистского терроризма и пытаются противостоять ему.

 

Les funérailles des trois martyrs du gouvernorat de Jendouba, victimes de l’agression terroriste, dans la nuit de samedi à dimanche, dans la zone d’Ouled Mannâa, se sont déroulées 17 fevrier.
Dans ce sens, les funérailles des martyrs Mohamed Ali Lakti ont eu lieu au cimetière de la cité Ezzahoua de Jendouba, celles de l’adjudant chef de la Garde nationale Abdelhamid Ghazouani, au cimetière Sidi Ammar, dans la délégation de Fernana, et celle de l’adjudant des services pénitentiaires Issam Mechergui au cimetière du village Essaâda, dans la délégation de Jendouba, alors que celles de l’adjudant de la Garde nationale Fakhri Boussaïdi
doivent se dérouler dans la localité de Bouherdma, dans l’après-midi.
Des membres de la sécurité nationale, des personnalités politiques, ainsi que les proches des martyrs et de nombreux habitants de la région ont assisté aux cérémonies où des slogans dénonçant le terrorisme ont été scandés.

 

Mobilisation tous azimuts

 

 Le temps de l’indulgence envers le terrorisme est révolu avec le départ de la Troïka
L’Association des magistrats tunisiens (AMT) a fustigé, hier, l’acte terroriste perpétré dans la localité d’Ouled Manaâ de la délégation de Bulla Regia (Jendouba).
Dans une déclaration rendue publique par son bureau exécutif, l’AMT qualifie l’embuscade meurtrière tenue par les auteurs de cet acte terroriste «d’odieuse».
A cet égard, elle appelle le nouveau gouvernement à fournir tous les moyens matériels et logistiques à l’appareil sécuritaire, afin de lui permettre de s’acquitter, pleinement, de sa mission dans la lutte contre le terrorisme et la protection des citoyens et du processus démocratique.
L’Utap a condamné, de son côté, l’attaque terroriste perpétrée dimanche à l’aube dans la localité d’Ouled Manâa, estimant que «la guerre contre le terrorisme en Tunisie, n’est pas encore terminée».
L’organisation agricole a appelé, dans un communiqué publié hier, à la mobilisation de tous les moyens et capacités pour
mener une guerre totale contre le terrorisme.
Elle a souligné, également, son soutien à l’institution sécuritaire avec toutes ses composantes dans sa lutte contre le terrorisme et exprimé sa considération pour les sacrifices consentis par les agents de l’ordre, pour protéger la Tunisie et son peuple.

Pour une commission d’enquête indépendante

Quant au Front populaire (FP), il a exhorté toutes les organisations et les forces civiles et à leur tête le Quartet, parrain du Dialogue national, à mettre en place une stratégie globale de lutte contre le terrorisme.
Dans un communiqué rendu public dimanche, le FP a appelé les parties chargées de la sécurité dans le pays à assumer leurs responsabilités dans la lutte contre le terrorisme, réitérant son attachement à la démission du ministre de l’Intérieur, Lotfi Ben Jeddou.
Le FP a également renouvelé son appel à la constitution  d’une commission d’enquête indépendante chargée de mener les investigations sur les assassinats politiques et le terrorisme.
Une délégation du FP s’est rendue, dimanche, à l’hôpital des forces de sécurité intérieure de La Marsa, pour exprimer leur soutien aux blessés lors de l’opération terroriste perpétrée dimanche à l’aube dans la localité d’Ouled Manaâ.
Sur un autre plan, la secrétaire générale du Parti républicain (Al Joumhouri), Maya Jribi, a indiqué dimanche à Médenine que l’opération terroriste perpétrée à Ouled Manaâ est un acte de vengeance lâche, porteur d’un message vindicatif envers ce qu’elle a qualifié d’«opérations qualitatives menées par le ministre de l’Intérieur».
S’exprimant lors de la réunion de la section régionale du Parti républicain à Médenine, Maya Jribi a estimé que le temps de l’indulgence envers le terrorisme est révolu avec le départ de la Troïka. On ne peut pas faire preuve d’impartialité en ce qui concerne le terrorisme, auquel nous devons y faire face ensemble, a-t-elle dit. «Notre message est de ne pas avoir peur des terroristes qui ne sont que des lâches».
Jribi a, également, appelé à la mise en place d’une «stratégie nationale de lutte contre le terrorisme et la constitution d’un comité national regroupant les partis, les organisations nationales et la société civile et dont la mission serait «d’exploiter tous les moyens et de ne manager aucun effort dans la lutte contre le terrorisme loin de toute appartenance politique».
Elle a, par ailleurs, appelé à la création d’une structure nationale mixte spécialisée dans la lutte antiterrorisme qui fait office de centre d’information et de prise de décision, assurant que de telles mesures sont vitales pour un pays confronté au terrorisme et à une nouvelle situation.
«La protection de la Tunisie est une mission urgente et on ne peut parler de prochaines étapes sans lutter contre le terrorisme et la violence politique», a-t-elle soutenu.
Le conseil de l’Ordre national des avocats a fustigé, hier, l’agression terroriste perpétrée dans la localité d’Ouled Manaâ qui a fait quatre victimes.
Dans une déclaration, l’Ordre des avocats affirme son soutien aux forces de sécurité intérieure et à l’armée nationale dans leur combat contre le terrorisme.
Il y exprime sa solidarité avec les familles des martyrs et des blessés.
Dans leur déclaration, les avocats estiment que cet acte criminel constitue un grave tournant dans la mesure où ses auteurs ont coupé la route et visé des civils.
Ils appellent la classe politique, les autorités compétentes et la société civile à œuvrer ensemble pour contrer ce fléau et faire avorter les tentatives de son blanchiment.

Ajouté le : 18-02-2014

 

Toutes les opérations de location des maisons et des entrepôts sont passées à la loupe
Les unités spéciales de la sécurité nationale du secteur de l’Ariana-Nord ont effectué, hier après-midi, une descente surprise à la mosquée Cheikh Ghazouani à El Ghazala, dans la délégation de Raoued (gouvernorat de l’Ariana), après avoir reçu des informations faisant état de la présence à la mosquée d’individus recherchés et d’armes, selon des informations fournies par des sources sécuritaires à la correspondante de l’agence TAP à l’Ariana.
Les mêmes sources ont ajouté que les forces de sécurité ont fouillé la mosquée sans trouver d’objets ou d’individus suspects. Elle ont, toutefois, saisi une motocyclette de marque Vespa, pour vérification.
L’opération intervient pour démontrer le degré de mobilisation et de vigilance des forces de sécurité ainsi que l’intérêt qu’elles accordent à toute information ou renseignement qui lui parviennent, en vue de se prémunir contre le crime et le terrorisme, selon des sources sécuritaires.
D’autre part, les unités de renseignement du district de la sécurité nationale de l’Ariana sont fortement mobilisées pour renforcer les contrôles et vérifier toutes les opérations de location des maisons et des entrepôts.
Ces unités effectuent un travail sur le terrain pour prévenir des opérations terroristes similaires à celles de Raoued et Borj Louzir.
Les unités de renseignement travaillent en collaboration avec les agents de sécurité pour vérifier les identités des locataires et la conformité des procédures administratives relatives à la location. Ces démarches visent à lutter contre les infractions et à démasquer les propriétaires contrevenants.
Ce renforcement des contrôles intervient après que des entrepôts eurent été loués par des terroristes pour stocker des armes et des produits dangereux et fabriquer des explosifs.

 

Le syndicat de la Garde nationale hausse le ton

 Réclamant l’accélération de l’adoption de la loi incriminant les agressions contre les forces de sécurité intérieure, les syndicalistes appellent à la création d’une direction générale chargée du terrorisme et à l’activation de sa brigade d’aviation
A la suite de l’acte terroriste perpétré dimanche dans la localité d’Ouled Manaâ à Bulla Regia (gouvernorat de Jendouba), le syndicat général de la Garde nationale a appelé le ministère de l’Intérieur à doter les gardes nationaux d’équipements de protection et des moyens humains, techniques et logistiques.
Le syndicat a, dans un communiqué rendu public dimanche, réclamé l’accélération de l’adoption du projet de loi soumis par la présidence du gouvernement à l’Assemblée nationale constituante (ANC) incriminant les agressions contre les forces de sécurité intérieure et les douaniers et garantissant la protection des établissements sécuritaires.
Le syndicat a, également, demandé à ce que les agents détiennent une arme individuelle, soulignant la nécessité de renforcer davantage les renseignements en mobilisant les fonds requis, en particulier dans les zones frontalières.
Il a, dans le même ordre d’idées, appelé à la «création d’une direction générale chargée du terrorisme et d’une direction générale de la formation au sein de la Garde nationale, tout en activant sa brigade d’aviation.
L’accent est mis en outre sur l’impératif de doter les agents de gilets pare-balles, de badges et d’uniformes spécifiques, et de renforcer les patrouilles spécialisées.
D’autres actions syndicales ne sont pas à exclure si les revendications légitimes de protection des gardes nationaux ne sont pas prises en compte, avertit le syndicat.
Cette opération terroriste a fait quatre morts, dont deux dans les rangs de la Garde nationale, un agent pénitentiaire et un citoyen, outre quatre autres blessés.

Ajouté le : 18-02-2014

 

Le mufti s’y invite

 Le mufti de la République, Hamda Saïed, s’est exprimé à son tour sur la controverse au sujet du port du niqab.
Il a souligné que pour les quatre principales écoles islamiques, en particulier pour la doctrine malékite, le port du niqab se situe, en termes charaïques, «à mi-chemin entre la Sunna et le bon vouloir de chacun» et que «les textes authentifiés accordent la préférence au hijab (voile partiel), au détriment du niqab (voile intégral)».
Le mufti répondait par écrit à une question que lui avait adressée l’agence TAP sur le point de savoir s’il était envisageable d’interdire le port du niqab pour cause d’impératifs sécuritaires.
«Du point de vue charaïque, écrit-il, le détenteur de l’autorité est fondé à restreindre le champ de ce qui est habituellement permis, s’il y va de l’intérêt patent de la Oumma, à commencer par la nécessaire préservation de la vie contre toute éventuelle menace».
Cheikh Hamda Saïed estime en outre indispensable de faire en sorte que la modulation de la restriction en question soit faite «sans excès ni négligence», le plus important étant, selon lui, de s’en tenir à l’objectif recherché.

Ajouté le : 18-02-2014

 

 

 

Pour une stratégie antiterroriste

 

 Le Conseil de la choura du mouvement Ennahdha appelle, dans une déclaration rendue publique hier, à la «définition d’une stratégie nationale de lutte contre le terrorisme dans le cadre d’une approche globale permettant de traiter les causes de ce phénomène, de démanteler ses réseaux et d’empecher sa propagation».
Le Conseil propose, à l’issue des travaux de sa 21e session, que l’Etat, la société civile, les partis et les experts participent à l’élaboration de cette stratégie, réaffirmant le soutien d’Ennahdha aux forces sécuritaires et militaires dans leur combat contre le terrorisme, lit-on dans la même déclaration.


Sur un autre plan, le Conseil de la choura d’Ennahdha a annoncé sa décision d’élargir la sphère des concertations internes afin de fixer une date pour son prochain congrès.

LA PRESSE : 18-02-2014

 

 

 

 

 

 

 

Opinions - Terrorisme et médias

Une étrange dialectique

 Par Amin BEN KHALED
Le début du XXIe siècle a vu d’innombrables tentatives pour définir le terrorisme, cependant force est de constater qu’aucune d’elles n’a pu faire l’unanimité. En réalité on peut classer ces définitions en deux catégories : il y a celles qui cherchent à définir le terme «terrorisme» et celles qui tentent de définir le phénomène terroriste. A voir de près, ce manichéisme n’est pas dû uniquement à l’inflation sémantique du mot « terrorisme » qui ne cesse de s’hypertrophier depuis deux siècles, mais il traduit surtout une dichotomie originelle inhérente à la manière même avec laquelle s’effectue toute définition; dichotomie mise en évidence par la Scolastique — largement influencée par les seconds analytiques d’Aristote — qui a opéré la distinction entre des définitions quid nominis et des définitions quid rei, c’est-à-dire entre les définitions nominales qui concernent le mot et les définitions réelles qui concernent les choses.
Ce fiasco linguistique frappant toute entreprise visant à définir le terrorisme — en tant que mot et/ou en tant que chose — est donc double. D’une part, nous avons un terme qui remonte à la période de la Terreur révolutionnaire, celle des années 1793-1794, et dont l’étymon «Terror» qui existait déjà au XIIIe siècle signifiait une peur paralysante. D’autre part, nous sommes en présence d’un phénomène réel, sanglant, injustifiable, voire inexplicable, que la vue même entrave toute opération intellectuelle visant à le cerner avec le flegme de l’objectivité. Le terrorisme terrorise tellement qu’il ne nous permet pas de prendre le recul nécessaire pour une approche cognitive. Il est là, il tue, il blesse et il provoque le désordre, la peur et la désolation, à quoi sert donc une définition superfétatoire d’un «terme et/ou phénomène» fini, accompli, rodé et qui cause, pratiquement tous les jours, la mort et le désespoir ? Aussi il est devenu aujourd’hui pratiquement indécent d’essayer de définir le terrorisme, et cela, aussi indécent que d’essayer, avec verve et pédantisme, de définir ce qu’est la mort à une personne endeuillée, au lieu de la consoler simplement avec les mots de circonstance comme il est d’usage.
Le présent article, comme son titre l’indique, vise à montrer en dernière analyse comment le terrorisme du XXIe siècle ne peut exister sans sa propre médiatisation transfrontalière. Il s’agira donc d’inverser la perspective et voir dans l’acte terroriste, un acte empirique parce qu’il est médiatique. A cette fin nous devrions faire sortir la notion de terrorisme de la perspective qui l’emprisonnait dans un va-et-vient perpétuel et stérile entre le concept et sa phénoménologie, pour l’observer au travers d’une certaine esthétique qui tient compte du phénomène comme étant un message médiatique «imagé». 
Il peut paraître choquant, ou du moins déplacé, d’employer le terme «esthétique» dans un article qui parle de terrorisme. Cependant, il ne s’agira pas d’employer l’esthétique au sens classique du terme — à savoir la science du beau — mais plutôt dans le sens transcendantal kantien, c’est-à-dire cette manière qui se rapporte à l’étude des formes aprioriques de sensibilité, en un mot tout ce qui permet d’étudier un fait empirique d’une manière pure, objective et sans a priori. Car ici il s’agira d’essayer d’approcher le terrorisme avec un intellect détaché de toute considération subjective qui pourrait fausser l’observation : le terrorisme comme étant un fait empirique qui tire son empirisme de sa propre médiatisation, attendu que ce fléau cherche à se médiatiser.

L’acte terroriste : du message médiatique à l’image immédiatisée

Lorsqu’on se propose d’observer le terrorisme, cela veut dire qu’on le considère comme quelque chose d’observable. Et s’il est observable, c’est parce qu’il est médiatisé. Ce sont les médias qui médiatisent ce qui se passe dans le monde réel, ici et là, en transformant cette réalité locale en images qui défilent pour le reste du monde. Initialement, pour l’observateur lointain, l’acte terroriste prend naissance objective et concrète dans les médias. L’existence empirique de cet acte, se trouve ainsi dans un espace-temps donné. Cet espace-temps ce n’est pas le réel dans lequel l’attentat a été perpétré (telle date, tel lieu), mais l’espace-temps médiatique dans lequel l’observateur reçoit l’information. Ainsi, par exemple, il y a eu quelques témoins oculaires qui ont vu sous leur nez l’impact du premier avion sur la tour nord du World Trade Center le matin du 11 septembre 2001, cependant cela ne change rien au fait que dans le reste du monde, de San Francisco à Karachi et d’Oslo à Johannesburg, et grâce aux médias quelques minutes plus tard, l’humanité a été aussi un témoin oculaire de ce premier impact. Ainsi, il est difficile, voire impossible d’imaginer un acte terroriste qui ne soit pas médiatisé ici ou là, que ce soit dans les médias les plus influents au monde ou dans les médias périphériques, d’où le constat suivant qui semble de prime abord paradoxal : sans médias l’acte terroriste n’est pas vraiment terroriste. Autrement dit lorsqu’un acte terroriste, ou qui se veut comme tel, ne se trouve pas médiatisé, il sera inconnu du grand public, donc il est inobservable et par conséquent empiriquement inexistant : les médias immédiatisent l’acte terroriste.
Ainsi étant médiatisé, l’acte terroriste constitue non seulement un message, mais une image immédiate. Tout d’abord il ne faut pas prendre la notion d’image au sens basique du terme, mais plutôt au sens le plus général, à savoir dans notre cas une représentation figurative d’une scène quel que soit le support médiatique (un texte, une photo, un enregistrement sonore, ou une vidéo). Ensuite, ce qui est intéressant et nouveau avec les médias, c’est que l’image n’est plus perçue comme une apparence médiatisant un réel quelconque (qu’il soit effectif ou fictif comme dans un tableau de Vélasquez, ou dans une photo de Jerry Uelsmann), mais l’image médiatique se présente plutôt comme un réel immédiat, dont l’immédiateté — pour employer un terme hégélien — se présente à l’observateur comme étant le réel en soi. Ainsi, quand je lis la Une d’un journal, par exemple ou quand je visionne la télé et que je vois les images insoutenables d’un attentat sanglant, je vais considérer ces images comme étant un réel immédiat et non pas comme des scènes reflétant l’apparence approximative ou suggestive d’un réel passé, possible, ou fantasmagorique.

L’acte terroriste : un message erga omnes

Cependant cette image «im-médiatiquement» observable suppose l’existence d’un destinataire. Aussi l’image de destruction, la vue du sang, de morts, ou même d’une simple fumée, voire d’un attentat déjoué, ne peuvent que provoquer une forme de paralysie de l’observateur devant l’image observée. Dans ce cadre, l’image médiatisée de cet acte remplit à maints égards le sens étymologique du terme terrorisme, à savoir le fait de paralyser de peur, l’autre ou les autres. Cependant la paralysie ne touche pas seulement ceux que l’acte veut frapper directement, mais toute personne observant l’acte via les médias. C’est la raison pour laquelle l’une des particularités de l’acte terroriste, en tant qu’image médiatique, réside dans sa capacité de paralyser erga mones. A l’égard de tous. Que l’attentat soit perpétré à Londres, à Bagdad ou à Manille, il touche le destinataire universel. D’où un second constat paradoxal : le terrorisme est un phénomène planétaire parce qu’il est une image médiatique universalisable, chacun de nous se trouvant, malgré lui, concerné parce que nous sommes les destinataires universels de cette image reproduite par les médias jusqu’à l’infini comme dans un jeu de miroirs.
L’existence de destinataire universel occulte cependant l’existence des destinataires particuliers, c’est-à-dire ceux pour qui le message est destiné. Car l’acte terroriste, au sens classique, demeure en principe un acte qui vise un but précis, à savoir celui de terroriser une société donnée pour pouvoir peser sur les décisions politiques de ses dirigeants. C’est ce qu’a fait par exemple le mouvement anarchiste durant le XIXe siècle en Europe, le groupe Baader-Meinhof durant les « Années de plomb » en Allemagne fédérale, ou encore la Mafia sicilienne à Palerme durant les années 80 et le début des années 90. L’acte terroriste procédait ainsi selon une logique — évidemment barbare et horrible — une sorte d’intelligence du mal, qui avait pour finalité d’influencer sur l’échiquier politique. Mais attendu que l’acte terroriste se retrouve aujourd’hui — via les médias — propulsé comme un message destiné à un destinataire universel, il apparaît encore comme un acte de folie démoniaque incompréhensible et sans mobile, un acte frappant l’inconscient social et dont la finalité n’est autre que la destruction de l’humanité entière. Etant donné que l’image ne touche pas médiatiquement seulement les destinataires particuliers, elle demeure en somme un message indécodable visant à terroriser l’Homme comme tel. Car en effet, comment peut-on expliquer un acte terroriste qui se dit vouloir atteindre des fins politiques dans une société donnée alors même qu’il menace, par sa médiatisation, la planète tout entière ?

De l’identification du coupable à l’identification coupable

Étant une image ayant un destinataire universel, l’acte terroriste émane d’un émetteur. Dans ce cadre, il ne faut pas confondre auteur et l’émetteur. L’auteur ou les auteurs, d’un acte terroriste est celui ou ceux qui procèdent à l’exécution matérielle de l’acte. En général ils sont anonymes et parfois ils ne survivent pas à leurs actes, surtout lorsqu’il s’agit d’un attentat-suicide. Quant à l’émetteur de l’acte terroriste il s’agit de la personne ou plus souvent d’une organisation qui revendique, via les médias, l’acte en question. Aussi, il ne faut pas confondre entre l’émetteur et le canal. Ce dernier étant le support médiatique sur lequel se matérialise la revendication de l’acte terroriste, il peut s’agir d’un simple pamphlet écrit, ou comme souvent est le cas, d’un enregistrement sonore ou vidéo. Un fait est certain, une fois l’acte revendiqué, le coupable est identifié par le destinataire universel.
Cependant cette identification est tout de même paradoxale. En effet, l’observateur — étant un destinataire universel faisant partie prenante du « schéma de communication terroriste » et non plus une tierce personne étrangère au message — n’identifie pas le coupable, en disant que cette personne ou cette organisation sont responsables d’un tel acte haineux, mais il l’identifiera en fonction des images médiatisées. En effet, personne n’a rencontré physiquement Ben Laden ou Al-Zawahiri, mais tout le monde les identifient en tant que musulmans prêchant un extrémisme religieux se fondant sur une certaine lecture du Coran et du Hadith. Ainsi, et paradoxalement, la médiatisation de l’acte terroriste ne permet pas de confondre ceux qui le revendiquent, mais elle contribue à créer — de toute pièce chez le destinataire — un modèle de coupables virtuels qui corresponde aux aspirations culturelles et esthétiques de l’énonciateur de l’acte terroriste. Résultat : l’identification du coupable se transforme en identification coupable.
Finalement, la médiatisation de la revendication occulte paradoxalement les vrais terroristes : désormais est terroriste toute personne qui se présente esthétiquement comme l’énonciateur. Est terroriste toute personne dont l’apparence, ou le discours s’identifient à celui qui revendique, parce que le terroriste, dans un schéma de communication médiatique, demeure avant tout une image qui sera convertie chez le destinataire — pour parler comme Levinas — en un visage à la fois abstrait et partout présent. On n’identifie plus le coupable, désormais, on identifie et on culpabilise au fond de nous des millions de visages comme étant des terroristes en puissance.

Auteur : A.B.K.

Ajouté le : 18-02-2014

http://nikolaysolo.livejournal.com/1657107.html