ТУНИССКИЕ ХРОНИКИ. 24 октября 2014.
ТУНИССКИЕ ХРОНИКИ. 24 октября 2014.
http://www.sologubovskiy.ru/articles/830/
http://www.proza.ru/2014/10/25/876
На фотографии:
Members of the Tunisian military stand in a group during an operation against gunmen in the town of Oued Ellil near the Tunisian capital Tunis on October 24, 2014. Six people, including five women, were killed when Tunisian security forces stormed a house where gunmen were locked in a standoff with police near the capital, the authorities said.
В Тунисе успешно закончилась антитеррористическая операция.
Утром 24 октября в ходе штурма жилого дома в Уэд Эллиль, одном из пригородов тунисской столицы, были ликвидированы пять женщин-террористок. Трое из них - из Бизерты, двое – из Марсы. Две были женами арестованных ранее полицией террористов, трое из них – студентки. Все они оказали вооруженное сопротивление, стреляя из автоматов по полицейским. Эти твари, выбежав из осажденного дома, пытались использовать детей как «щиты», прикрываясь ими. Тунисские снайперы открыли меткий огонь на поражение, и каждая из террористок получила пулю в голову.
В результате успешно проведенной операции также уничтожен один из террористов, одна шахидка и один террорист ранены и схвачены.
Дети госпитализированы, один из них – в тяжелом состоянии.
В операции приняли участие 120 полицейских и вертолеты. Среди полицейских есть три раненых.
Во время обыска дома обнаружены взрывчатка, «пояса шахидок», автоматы и гранаты.
23 октября во время боя с этими террористами погиб полицейский из Набеля…
Эта банда джихадистов была связана с террористами, которые участвовали в подготовке нападения на автобус с туристами на озере Шот-Джерид рано утром 23 октября. Этот теракт был предотвращен полицией.
Джихадисты, среди которых есть и наемники из Алжира и Ливии, в пытаются сорвать эти выборы и готовят новые теракты 26 октября, в день парламентских выборов в Тунисе на избирательных участках и в местах скопления людей, в том числе на рынках и в мечетях. Среди них есть террористы, которые приняли участи в мятеже против Ливийской Джамахирии и воевали против армии Сирии.
Правоохранительные органы Туниса принимают дополнительные меры, чтобы обеспечить порядок во время выборов, от результатов которых во многом зависит будущее Туниса.
Е.Ларин, 24 октября 2014.
(по сообщениям тунисских СМИ).
Вот одно из последних сообщений:
«La presse»:
«Les forces et les unités spéciales viennent de donner l'assaut sur la maison de Oued Ellil encerclée depuis 24h00 et dans laquelle se sont réfugiés les terroristes.
Au cours de cette opération coup de force, un terroriste répondant au nom de Houcem Troudi a été tué. Alors que le deuxième terroriste, Aymen Bouchtiba s'est rendu après avoir été blessé.
Le bilan fait état de la mort dans la même opération de cinq femmes, alors qu'un enfant a été blessé à la tête».
Французские СМИ сообщают 24 октября о событиях в Тунисе:
http://www.20minutes.fr/monde/1467603-20141024-tunis-six-mots-dont-cinq-femmes-assaut-contre-maison-assiegee
Six personnes, dont cinq femmes, ont été tuées vendredi dans l'assaut lancé par les forces de l'ordre tunisiennes contre une maison de la banlieue de Tunis dans laquelle était retranché un groupe armé, a annoncé le ministère de l'Intérieur.
Deux enfants hospitalisés
«Cinq femmes ont été tuées. Aymen (l'un des hommes armés, ndlr) a été tué et Houssem (le second) blessé et hospitalisé», a dit à la presse sur place le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Mohamed Ali Aroui. Deux enfants, un garçon et une fille, qui se trouvaient dans la maison ont aussi été hospitalisés. La fillette a été blessée à la tête, a-t-il ajouté, sans plus de précisions sur son état.
Les forces de l'ordre encerclaient depuis jeudi matin cette maison située à Oued Ellil, suite à des informations obtenues après l'arrestation de «deux éléments terroristes» à Kébili, à 500 km au sud de Tunis, faisant état de la présence «d'autres éléments terroristes» dans cette banlieue de la capitale.
Des cris de joie
Selon Ali Aroui, «les unités spéciales se sont approchées (de la maison) au niveau de la cuisine, où se cachaient les terroristes». «Les femmes sont sorties de la cuisine en tirant», a-t-il déclaré, en qualifiant tout le groupe, hommes et femmes, d'«éléments terroristes». La fin de l'assaut a été accueillie par les cris de joie et les acclamations des membres de forces de l'ordre ainsi que d'habitants du quartier, selon une journaliste de l'AFP sur place.
Ali Aroui avait plus tôt dit à la presse que la police allait donner un ultimatum «d'une ou deux heures maximum» au groupe avant de donner l'assaut. «Nous ne voulons pas lancer l'assaut en raison de la présence de femmes et d'enfants, mais nous ne pouvons patienter plus longtemps», avait-il dit.
Jeudi, un membre de la Garde nationale (gendarmerie) avait été tué et un autre blessé dans les échanges de tirs entre les forces de l'ordre et les hommes armés. Ces violences interviennent alors que la Tunisie organise dimanche des élections législatives qui, avec la présidentielle du 23 novembre, sont cruciales pour la stabilité du pays.
http://www.20minutes.fr/monde/1467603-20141024-tunis-six-mots-dont-cinq-femmes-assaut-contre-maison-assiegee
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La police tunisienne et un groupe armé composé de deux hommes étaient engagés jeudi dans des échanges de tirs dans une banlieue de Tunis, des violences qui interviennent alors que la Tunisie craint une recrudescence d'attaques djihadistes avant les législatives dimanche.
«Les forces de l'ordre encerclent une maison à Oued Ellil abritant des éléments terroristes et des échanges de tirs sont en cours», a indiqué le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Mohamed Ali Aroui, à la radio Mosaïque FM. Selon un responsable policier sur place interrogé par l'AFP, un policier a été tué d'une balle «reçue à l'oeil» et un autre a été blessé.
Au moins deux femmes et des enfants dans la maison
D'après la même source, la famille d'un homme armé retranché dans la maison serait aussi à l'intérieur. «Il y a au moins deux hommes, au moins deux femmes et des enfants. Nous avons des informations sur la présence d'explosifs», a déclaré Mohamed Ali Aroui à la presse. «Nous avons demandé à ce qu'ils fassent sortir les enfants et les femmes», a-t-il ajouté. Il s'est refusé cependant à employer le terme de prise d'otages, soulignant que l'une des femmes était «l'épouse d'un des éléments terroristes».
Le même responsable policier n'était cependant pas en mesure de dire si une seule ou plusieurs personnes armées se trouvaient dans le bâtiment. La police, déployée en grand nombre, lançait aussi des appels au mégaphone pour que le ou les suspects se rendent, tandis que des échanges de tirs sporadiques se produisaient encore en fin de matinée.
Par ailleurs, plus tôt dans la journée, des heurts ont opposé la police et «deux éléments terroristes» à Kébili (500 km au sud de Tunis), selon Aroui, précisant que le gardien d'une société avait été tué par ces hommes armés. Deux suspects ont été arrêtés. Enfin, deux soldats ont été légèrement blessés dans l'explosion d'un engin au passage de leur véhicule à Sakiet Sidi Youssef (près de la frontière algérienne), a indiqué le porte-parole du ministère de la Défense, Belhassen Oueslati, à l'AFP. Cette tactique a été largement employée par des cellules djihadistes dans la région depuis deux ans.
http://www.20minutes.fr/monde/1466691-20141023-tunisie-terroristes-encercles-maison-civils-interieur
Утром 24 октября, еще до окончания антитеррористической операции, вышла тунисская газета «Ля пресс» опубликовала следующие материалы:
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Alors que le brouillard se lève peu à peu à Oued Ellil et que nous commençons à comprendre le sens de l'affrontement entre les terroristes et les forces de l'ordre, il est devenu possible de tirer (prudemment) les premières conclusions.
Et l'info qui s'impose alors comme la plus significative est directement liée à l'affaire de Kebili, qui l'a précédée d'un jour et où un quinquagénaire a trouvé la mort.
De fait, ce sont les interrogatoires menés avec les terroristes arrêtés à Kebili qui ont révélé qu'un autre groupuscule terroriste s'était retranché dans le bâtiment de Chabaou, au voisinage immédiat de Oued Ellil.
Et cela veut tout simplement dire que les forces de l'ordre font consciencieusement leur travail et qu'elles sont parfaitement éveillées aux enjeux immenses derrière le terrorisme. Laroui, porte-parole du ministère de l'Intérieur, l'a dit à sa manière directe sans chichi : ''Nous affronterons invariablement tous ceux qui nous affrontent les armes à la main.''
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Les forces sécuritaires ont hésité à donner l’assaut à cause de la présence d’enfants dans le domicile où sont retranchés les terroristes qui seraient leurs proches
Le domicile abritant des terroristes à Chebbaou (Oued Elli - La Manouba) était hier encore encerclé par un important dispositif sécuritaire à l’heure où nous mettions sous presse.
«Une femme et des enfants se trouvent dans la maison», a indiqué le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Mohamed Ali Laroui, qui a affirmé, par ailleurs, que l’encerclement du domicile où sont retranchés les terroristes, munis de ceintures explosives, se poursuit et que des négociations sont en cours.
«Deux terroristes ont été capturés, hier à l’aube, à Kébili. Qualifiés de dangereux, ils avaient tué un gardien de nuit en service dans un établissement public, avant d’être appréhendés en possession de deux armes de type kalachnikov et de munitions», a précisé Laroui.
Une source sécuritaire a indiqué, dans une déclaration au correspondant de l’Agence TAP dans la région, que suite à des informations selon lesquelles des éléments dangereux, faisant l’objet d’avis de recherche, ont été localisés à Souk Lahad, à Kébili, et lors d’une campagne de ratissage, une patrouille sécuritaire a intercepté, hier à l’aube, un véhicule stationné à l’entrée de la localité au niveau de Chott Jerid.
Les forces de l’ordre en patrouille ont attaqué les passagers du véhicule et ont arrêté ces deux dangereux terroristes.
Les investigations ont montré que ces deux assaillants planifiaient une opération terroriste.
Dans un point de presse tenu au Palais du gouvernement, à la Kasbah, à l’issue d’une réunion de la cellule de crise, il a souligné le lien étroit entre ces terroristes et deux autres membres arrêtés, hier à l’aube, à Kébili, et qui ont révélé, lors de l’enquête, l’existence d’une cellule à Chabbaou.
« Deux kalachnikovs et des munitions ont été saisis chez les deux terroristes arrêtés », a indiqué Laroui. Les deux militaires ont été légèrement blessés, hier matin à Sakiet Sidi Youssef, au Kef, à la suite de l’explosion d’une mine terrestre au passage de leur véhicule militaire.
Selon le porte-parole du ministère de la Défense, le lieutenant-colonel Belhassan Oueslati, l’explosion s’est produite alors qu’un groupe de militaires menait une opération de ratissage pour pister les éléments terroristes retranchés sur les hauteurs de la région.
Des renforts sécuritaires et militaires ont été dépêchés et un hélicoptère armé a été déployé dans la région, a indiqué le lieutenant-colonel Oueslati qui a assuré que la situation sécuritaire dans le pays est sous contrôle.
Laroui a annoncé qu’un agent de la Garde nationale, Achref Ben Aziza (25 ans), est tombé en martyr lors de l’opération sécuritaire en cours à Chabbaou et un citoyen tué par les terroristes lors de l’opération de Kébili.
L’encerclement du domicile à Oued Ellil où les terroristes sont retranchés est mené en présence du ministère public, a-t-il précisé, démentant que des civils soient pris en otage par les terroristes.
Il a fait savoir que «la femme qui se trouve à la maison est l’épouse du terroriste Hechmi Medini, appréhendé à Kébili ».
L’opération sécuritaire qu’il qualifie d’action d’anticipation est menée en étroite collaboration avec l’Armée nationale.
Il a estimé que des tentatives de semer le trouble à la veille des élections étaient attendues.
…
Le grand risque qui guette ces élections serait moins lié à la probabilité d’un attentat terroriste qu’à une contestation forte des résultats du scrutin !… », avertit le politologue Mohamed Kerrou, à la lumière d’un décryptage expert du paysage électoral. Entretien
Octobre 2011, octobre 2014, qu’est-ce qui a changé en termes d’enjeux électoraux?
La thématique centrale du débat public ne porte plus sur l’identité islamique comme ce fut le cas en 2011, avec la mobilisation intensive des pratiquants dans les mosquées et des protestataires dans l’espace public. Ceux-là servirent, de toute évidence, le camp islamo-identitaire jouant le défenseur de l’islam menacé au détriment du campséculariste mis sur le banc des accusés.
La thématique actuelle semble plutôt s’orienter vers l’identité citoyenne avec ce que cette identité civile implique comme revendication des droits pour le travail et la dignité et des libertés mais aussi l’attachement à la restauration de l’autorité de l’Etat et la quête du consensus national.
La revendication des droits et des libertés constitue le dénominateur commun de l’ensemble de la classe politique et de la société civile. La restauration de l’autorité de l’Etat est le leitmotiv du discours de Caïd Essebsi et de Nida Tounès. La quête du consensus relève de la démarche de Ghannouchi et d’Ennahdha ; démarche suivie par certains destouriens prêts à s’allier avec Ennahdha au sein d’un gouvernement d’union nationale.
Deuxième différence : les acteurs politiques majeurs ne sont pas les mêmes. L’événement remarquable de ces deux dernières années est l’émergence de Nida Tounès comme force politique ayant réussi à rééquilibrer les rapports de force et à donner un contenu organisationnel à la bipolarisation politico-idéologique entre le bloc islamiste et le campséculariste.
L’autre donnée qui diffère de 2011 est la « normalisation » de la vie politique par l’intégration progressive des acteurs destouriens, soit au sein des partis Nida et également Ennahdha, soit dans des partis spécifiquement destouriens comme, par exemple, El Moubadra de Kamel Morjane.
Quant aux similarités entre les deux échéances électorales, elles consistent d’abord dans la bipolarisation politico-idéologique et dans le risque réel d’un taux d’abstention élevé, en raison de la saturation politique de l’espace médiatique et du peu d’implication des jeunes dans la vie politique. Or, on sait que «trop de politique tue la politique » et que les jeunes ne se sentent pas concernés, lors même qu’ils furent le fer de lance du mouvement protestataire qui participa à la chute de l’ancien régime. C’est là un des écueils de la transition tunisienne qui se trouve en déconnexion avec le mouvement contestataire et semble, à la différence de pays de l’Europe de l’Est ou de l’Afrique du Sud, par exemple, discontinue et déséquilibrée sur le double plan générationnel et sociopolitique.
Quelle est votre lecture du paysage électoral (morcellement des partis modernistes, ruées sur la présidentielle, fraudes, exacerbation des divisions sur fond de menace terroriste et de crise économique...)? Qu’est-ce qui, selon vous, risque de compromettre le processus ou d’impacter négativement les résultats des scrutins?
Il existe objectivement une division au sein du campséculariste. Cette division est trop visible pour ne pas être signalée et analysée. Tout se passe comme si la leçon de 2011 n’a pas été retenue, à savoir que la victoire d’Ennahdha n’était pas due seulement à la force intrinsèque de ce parti politico-religieux, discipliné et structuré autour d’un leader, mais aussi en raison de l’éparpillement des voix (65% des voix n’ont servi à rien) et du taux élevé d’abstention, notamment chez les jeunes. Pour 2014, l’Union pour la Tunisie n’a pas tenu ses promesses et, de leur côté, les Destouriens ne forment pas un front uni, loin de là. Nida Tounès affronte Ennahdha dans une sorte de duel entre deux grands « partis de masse » alors que les autres semblent plutôt être des « partis de cadres »*, qui ne remettent pas en cause sérieusement l’hégémonie des islamistes. C’est le cas de l’UPT (Union pour la Tunisie) qui s’est pratiquement vidé après le retrait d’Al Joumhouri et la décision de Nida Tounès de se présenter tout seul aux élections, quitte à former des alliances post-électorales. Quant au Front populaire qui accueille de nombreuses tendances marxistes et nationalistes arabes, il semble, malgré sa capacité de mobilisation des jeunes ne pas être — en raison de divisions internes et de la démarche adoptée par son principal leader en vue de recueillir les parrainages pour la présidentielle — capable d’absorber, à lui seul, le vote protestataire. Ce vote protestataire c’est-à-dire les voix des citoyens qui ne veulent voter ni Ennahdha, ni Nida s’orienterait vers une troisième force (Alliance démocratique, UPL, Courant démocratique…) qui est difficile à prévoir à l’avance. Les sondages d’opinion ont, à mon avis, peu de consistance en Tunisie car nous sommes, à la différence des pays qui possèdent une tradition démocratique, en présence d’une opinion publique peu structurée et éminemment volatile, avec une grande proportion d’indécis.
En ce qui concerne la ruée sur la présidentielle, il s’agit d’une opération encouragée par Ennahdha qui veut un « candidat consensuel » afin d’écarter le candidat le plus fort dans les sondages et de neutraliser davantage la seconde tête de l’exécutif. En multipliant les candidatures et en encourageant les plus rocambolesques, le mouvement essaie de démystifier la fonction de président, car même sous Ben Ali la magistrature suprême conservait une certaine aura et le rituel républicain était respecté et non malmené comme cela est le cas depuis trois ans.
La crise d’autorité est, à mon avis, au cœur de tous les problèmes de la politique et de la société tunisienne. C’est pour cela qu’il va falloir effectuer un grand travail sur soi afin de réparer « l’image du père », si nous voulons un jour nous en sortir : sortir des ordures, de la gabegie, de l’incivisme et du terrorisme développés sous le gouvernement de la Troïka. Ceci dit, le grand risque qui guette ces élections me semble être moins sécuritaire — lié à la probabilité d’un attentat terroriste — que celui d’une contestation forte des résultats du scrutin par suite de fraudes ou tout simplement de comportement de « mauvais perdant » par l’un des protagonistes.
En quoi la bipolarisation, partout en vigueur dans les démocraties, pose-t-elle problème dans le paysage politique et social tunisien?
La bipolarisation est porteuse de tensions politiques, en imposant la logique classique d’ami/ennemi : «Si tu n’es pas avec moi, tu es contre moi». Elle porte ainsi atteinte aux fondements du pluralisme et de la démocratie. En plus, la bipolarisation crée des blocages au niveau du fonctionnement des institutions. C’est là d’ailleurs un des enjeux post-électoraux les plus importants.
Néanmoins, la bipolarisation qui résulte d’un rééquilibrage de la vie politique pourrait favoriser l’alternance au pouvoir. En somme, la bipolarisation est une arme à double tranchant et, de toutes les façons, elle est moins un choix que la résultante d’un rapport de force politique et d’un processus historique. La domination d’une seule force mène, comme on le sait, à la dictature. L’existence de deux forces impose un équilibre qui pourrait, dans le cas du refus de « jouer le jeu », mener au blocage institutionnel et à la montée des tensions et de la violence.
La solution consiste dans le choix consensuel du pluralisme, à commencer par la création d’une troisième force politique. A ce titre, la double question qui se pose pour le cas tunisien est celle relative à la nature de cette force : libérale ou étatiste ? (pro)islamiste ou (pro)séculariste ? De la réponse, nous pourrions entrevoir la configuration de la vie parlementaire et gouvernementale, après les élections de 2014.
Pensez-vous que les programmes des partis et des candidats aux législatives et à la présidentielle soient suffisamment articulés aux grands enjeux politiques et stratégiques du pays?
Il existe une idée répandue en Tunisie que les partis n’ont pas de programmes ou que leurs programmes ne cadrent pas avec la réalité. Or, il n’y a rien de plus faux et un tel préjugé résulte souvent de l’absence de curiosité et, pour dire les choses crument, de la non-lecture.
Au fond, la question n’est pas une question de contenu du programme. Elle est plutôt celle de mise en exécution des promesses. A titre d’exemple, tous les programmes promettent de résoudre la question du chômage. Or, le taux de chômage ne cesse d’augmenter et il semble impossible de le résorber les 5 prochaines années selon le rythme promis de 90.000 créations d’emploi par an. Aucun parti politique ne tient, sur ce plan, le langage de vérité. Ne parlons pas du déséquilibre régional qui, contrairement à ce que soutiennent les islamistes et les populistes, si peu connaisseurs de l’histoire, n’est pas le produit de l’indépendance nationale mais résulte d’un processus séculaire qui commence avec l’arrêt du commerce transsaharien vers le Xe siècle et continue avec l’importance prise par les ports de la Méditerranée dans le sillage de la naissance et du développement du capitalisme, à partir du XVIe siècle.
A y regarder de près, les élections ne sont pas affaire de programmes qui sont des attentes d’intellectuels et de cadres administratifs, d’esprits cadrés. Les élections relèvent plutôt de projections, de représentations et de croyances politiques. A la limite, l’électeur est à la fois un calculateur simpliste et un rêveur attaché à des chimères et à des illusions politiques : la fin du chômage, la fin de la misère... l’essentiel semble être, comme pour la religion, la croyance plus que la pratique, le credo plus que le vécu, l’émotion plus que la raison. L’électeur est un émotionnel et sa rationalité est émotionnellement construite. Au final, les citoyens voteront pour ceux qui leur ressemblent ou pour ceux qui les font rêver en leur miroitant la fiction de résoudre à jamais leurs problèmes… Au risque de vite déchanter.
Après le «président consensuel», le mouvement Ennahdha prêche pour une coalition post-électorale ou un gouvernement d’union nationale. Quel effet peuvent avoir ces scénarios prêts à appliquer sur la liberté des futurs votes ?
L’idée d’un président consensuel n’est dénuée ni de pertinence, ni de calculs politiques. La pertinence consiste dans le principe de la représentation de la volonté générale du peuple, à savoir que le président de la République est le président de tous les Tunisiens. Le calcul stratégique est de démystifier la fonction présidentielle en concentrant le pouvoir au sein du parlement et du gouvernement qui en est issu. Le calcul tactique est de ne pas présenter de candidats mais de soutenir certains candidats, quatre ou cinq, qui seront au service du parti islamiste, comme c’est le cas avec l’actuel président provisoire. Quant à la coalition gouvernementale future ou gouvernement d’union nationale, elle s’impose d’elle-même en cas d’absence de majorité. Nida Tounès pourrait gouverner avec ses alliés et les partis qui lui ressemblent idéologiquement comme Al Massar, le Front populaire et Afek malgré les différences doctrinaires au niveau de l’orientation économique (étatisme vs libéralisme).
Ennahdha aura l’embarras du choix étant donné les potentialités d’alliance avec des partis comme le Courant démocratique de Mohamed Abbou, l’Alliance démocratique de Mohamed Hamdi, l’UPL de Slim Riahi…
En cas d’absence de majorité, un gouvernement d’union nationale entre Nida et Ennahdha n’est pas à exclure. Il ne s’agit pas d’une alliance mais d’une union pour gouverner et débloquer une situation porteuse de crise politique et institutionnelle.
En définitive, un gouvernement d’union nationale est une solution louable pour la phase prochaine de transition. Des pays comme l’Afrique du Sud ont réussi justement à s’en sortir grâce à un gouvernement d’union nationale.
Le paysage électoral laisse-t-il d’ores et déjà entrevoir la configuration des futurs parlement et gouvernement ?
La configuration du parlement sera, à l’évidence, dominée par les deux grands partis que sont Nida et Ennahdha dans des proportions fluctuantes et aux résultats encore inconnus, en dépit des intentions de vote telles que révélées par les sondages d’opinion nationaux et étrangers. Et quel que soit le résultat du vote pour ces deux grandes formations politiques, tout dépendra des alliances qui seront nouées au lendemain de la proclamation des résultats. Comme il est fort probable, étant donné le mode de scrutin et l’état des acteurs politiques en cette phase de transition, qu’aucune des deux grandes formations n’aura la majorité absolue pour former le gouvernement, la configuration du parlement et du gouvernement sera tributaire éventuellement de la troisième force ou, du moins, des partis qui vont s’allier avec le vainqueur pour former une alliance parlementaire et participer au gouvernement.
Reste le troisième scénario qui est le pire de tous, à savoir un blocage et une incapacité à former le prochain gouvernement. Ce scénario pourrait toutefois être dépassé par un gouvernement d’union nationale ou bien, une autre solution, par la reconduction pour une certaine période de l’actuel gouvernement Jomâa, même si la feuille de route du dialogue national stipule son départ après les élections.
En tout cas, le dialogue national va sûrement continuer à jouer un rôle majeur. Il a déjà repris depuis peu et les deux grands parrains du dialogue, en l’occurrence la Centrale syndicale et l’Union patronale, continueront de peser de tout leur poids en vue de la réussite de la prochaine phase de transition.
*Selon la distinction de Maurice Duverger
• Mohamed Kerrou est professeur de sciences politiques à l’Université de Tunis-El Manar. Il est auteur de plusieurs articles scientifiques et ouvrages dont : «Hijâb. Nouveaux voiles et espaces publics», Tunis, Editions Cérès 2010. «Public et privé en Islam. Espaces, autorités et Libertés», Paris, Maisonneuve & Larose 2002
Auteur : Entretien conduit par Hedia Baraket
Ajouté le : 24-10-2014
ТУНИССКИЕ ХРОНИКИ. 23 октября 2014.
http://maxpark.com/community/politic/content/3059729
http://www.proza.ru/2014/10/24/90
http://www.sologubovskiy.ru/articles/828/
23 октября. День, который мог бы стать «черным днем» для Туниса…
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